Un appel à la clarté sur les méthodes naturelles
Suite à un communiqué de presse émis le 22 février par le Docteur de Reilhac, présidente de la fédération des gynécologues médicaux, qui a critiqué les méthodes naturelles de contraception, de nombreux sages-femmes et médecins ont décidé de prendre la parole pour clarifier les malentendus et restaurer la vérité, en s’appuyant sur des études scientifiques et leur expérience professionnelle. À ce jour, plus de 150 professionnels de santé se sont joints à cette initiative en co-signant une réponse, que nous partageons ci-dessous avec l’autorisation de ses auteurs.
Lettre ouverte à Madame de Reilhac
Chère consœur,
Cette vidéo publiée le 26 février 2018 dans Le Point a attiré notre attention et nous souhaitons partager notre ressenti collectif en tant que professionnels de santé, comprenant médecins, sages-femmes, pharmaciens et ostéopathes, à propos de vos déclarations.
Clarification sur les méthodes naturelles
Il est essentiel de préciser que les « méthodes naturelles » que vous avez mentionnées ne se ressemblent pas toutes. Par exemple, le retrait n’est pas comparable aux méthodes d’observation du cycle telles que la Méthode de l’Ovulation Billings, la symptothermie ou encore FertilityCare.
De plus, la méthode Ogino ne relève pas des MOC (méthodes d’observation du cycle) car elle se base uniquement sur la durée des cycles, tout comme la médecine conventionnelle, au lieu de s’appuyer sur la physiologie de chaque femme.
Les MOC, loin d’être des méthodes statistiques basées sur les cycles précédents, impliquent une observation minutieuse des biomarqueurs de la fertilité que les femmes apprennent à reconnaître grâce à un enseignement de qualité dispensé par des instructeurs accrédités.
Fiabilité et perception publique
La fiabilité des MOC n’atteint pas un indice de Pearl entre 15 et 18 % (taux de grossesse) comme souvent supposé ; en réalité, elle est comparable à celle de la pilule oestro-progestative, la méthode contraceptive la plus répandue en France (source FACTS about fertility).
Nous comprenons que, comme vous l’avez souligné, des problèmes liés à la pilule existent depuis longtemps. Grâce à une sensibilisation accrue, les femmes commencent à partager leurs préoccupations, notamment depuis les controverses entourant les pilules de troisième génération en 2013.
Il est également évident que les méthodes d’observation du cycle (MOC) représentent une option précieuse, surtout pour les femmes souffrant de contre-indications aux contraceptifs hormonaux ou lorsque le DIU/SIU n’est pas une alternative viable, ce qui doit également être pris en compte dans de nombreux cas.
Les attentes des femmes et leur autonomie
Les statistiques indiquent une baisse de l’utilisation de la pilule contraceptive, avec une diminution de 7,6 % entre 2010 et 2016 (source : Baromètre Contraception de l’INPES). En parallèle, l’utilisation des préservatifs a augmenté de 4,7 % sur la même période.
Contrairement à certaines idées reçues, le taux d’IVG n’a pas grimpé avec cette désaffection pour les hormones et est, en fait, en légère baisse (source : Baromètre Contraception INPES 2016). De plus, nous notons que 66 % des femmes qui optent pour l’IVG étaient sous contraception, et 34 % des utilisatrices de pilules affirment ne jamais l’oublier.
Les femmes aspirent à reprendre le contrôle de leur corps et à gérer leur fertilité de manière autonome, une démarche souvent qualifiée d’« empowerment ». Ce besoin est également exprimé par certains hommes qui souhaitent partager cette responsabilité, traditionnellement assignée aux femmes.
L’aveuglement face à la connaissance
Il est temps de cesser de faire croire que les méthodes naturelles sont obsolètes ou peu fiables. Pourquoi continuer à laisser penser que sans l’aide des professionnels de santé, les femmes ne peuvent comprendre leur propre cycle ?
Le temps que nous consacrons aux consultations est souvent insuffisant pour discuter des préoccupations réelles des femmes concernant leurs projets familiaux ou leur santé reproductive.
Nous appelons ainsi à une meilleure utilisation des compétences des sages-femmes et médecins généralistes dans l’accompagnement des jeunes femmes, afin qu’elles soient informées des options qui s’offrent à elles.
Appel à la recherche et à la formation
Il est primordial de plonger dans les recherches sur la fertilité, menées par des gynécologues, endocrinologues et pédopsychiatres, qui ont contribué à l’avancement de notre compréhension de la physiologie ovulatoire.
Pourquoi ne pas lire ces études pour informer notre pratique et conseiller adéquatement les femmes ? La contraception est avant tout un choix personnel, qui doit être respecté.
Les méthodes d’observation du cycle ne se limitent pas à une simple « contraception naturelle », elles aident également les couples à concevoir et à suivre leur santé reproductive.
Promouvoir le choix des femmes dans la contraception
Nous, professionnels de santé, avons à cœur de promouvoir le choix des femmes concernant leur contraception. Rappelons-nous que vous aussi, vous aviez plaidé en faveur de ce principe avec le ministère de la santé en 2007, soulignant que « la meilleure contraception est celle que l’on choisit ».
Enfin, est-il acceptable au XXIème siècle d’achever nos études médicales sans maîtriser la physiologie du cycle féminin ? De ne pas être capable de répondre à des questions palpables sur la santé reproductive des femmes ?
Il est grand temps d’ouvrir ce débat de manière constructive, avec un espace dédié à l’échange et à la formation, tant pour les professionnels que pour les femmes.
Nous restons à votre disposition pour discuter de ces thèmes crucialement importants.
Respectueusement,
Marion VALLET, sage-femme libérale à Lille
Docteur Anne DEHEEGER, médecin généraliste à Nantes
Docteur Aude BRUSSIEUX, médecin généraliste à Nantes
Docteur Sophie SAAB-TSNOBILADZE, médecin généraliste à Paris
Note : Nous, utilisateurs de méthodes d’observation du cycle (méthodes symptomatiques, méthode de l’ovulation Billings, FertilityCare, Sensiplan, FEMM et autres), sollicitons le respect de notre choix et l’accompagnement des professionnels de santé à travers une meilleure formation sur la fertilité.
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